Les enseignant-e-s se demandent souvent qu’est ce qui rend l’enseignement efficace, qu’est qui fait que la leçon peut être retenue, comprise, appréciée des élèves, voire même inoubliable. Le modèle INSPIRE (Lepper & Woolverton, 2008) nous donne quelques éléments de réponse.
« I » comme Intelligent
Des enseignant-e-s se montrent efficaces quand ils “jonglent” avec 2 types de savoirs : disciplinaires et pédagogiques. Les savoirs disciplinaires rendent l’enseignant-e capables non seulement de donner une information claire et précise liée au sujet, mais aussi des exemples concrets pour rendre leur propos “vivant” ou utiliser des bonnes images et faire de multiples analogies avec la vie réelle. Les savoirs pédagogiques liés à la discipline permettent aux enseignants de connaître les difficultés et le type d’erreur susceptible de surgir à l’occasion de chaque exercice spécifique proposé. Savoir jongler avec ces savoirs permet à l’enseignant-e d’utiliser une palette de techniques motivationnelles en relation avec les techniques de son enseignement.
« N » comme nourrissant le lien
L’efficacité de l’enseignement est soutenue par l’importance accordée à l’aspect relationnel, comme par exemple la manière d’entrer en contact avec les élèves au début de la leçon en s’intéressant à eux, à leurs passions, leurs loisirs, leurs centres d’intérêt, en accordant l’importance aux sujets que les élèves abordent, en ne pas les considérant comme “hors sujet” mais en les intégrant au contenu d’apprentissage. Enfin, l’enseignant-e qui a donné une leçon efficace a forcément manifesté la confiance dans le potentiel de ses élèves en leur montrant qu’ils sont capables de réussir la tâche.
« S » comme socratique
Dans l’approche socratique qui est connue pour sa nature “questionnante” deux aspects semblent importants : la manière d’interagir et le statut accordé à l’erreur.
Ainsi, cette perspective contribue à l’efficacité des enseignant(e)s en les incitant à privilégier des indices et guider l’élève vers la réponse correcte plutôt que fournir rapidement une explication tout en accordant à l’erreur un statut particulier. Il s’agit ici d’ignorer les petites erreurs, surtout celles qui n’empêchent pas l’élève de parvenir à une réponse correcte ou les prendre en compte dans la planification des exercices, dans un deuxième temps. Pour cela, il est important de savoir distinguer des erreurs productives et contre-productives :
· Les erreurs productives sont considérées comme de bonnes occasions pour les élèves de découvrir leurs propres fautes par eux-mêmes, avec une éventuelle assistance de l’enseignant-e, et cela dans une visée d’apprentissage durable. C’est la raison pour laquelle certain-e-s enseignant-e-s permettent quasiment volontairement ce type d’erreur pour renforcer l’apprentissage.
· Les erreurs non-productives sont corrigées directement et rapidement par les enseignant-e-s afin que l’élève ne garde pas une compréhension incorrecte d’un concept.
« P » comme progressif
Structurer la leçon pour permettre l’augmentation progressive de la difficulté et de la complexité paraît banal mais cet aspect semble poser le problème au bon nombre d’enseignant-e-s. Tout d’abord, l’efficacité de l’enseignant-e transparaît déjà dans la manière de sélectionner le problème à analyser selon l’estimation de lacunes de compréhension et non de manière arbitraire. Une fois que ces lacunes sont comblées et que les élèves sont plus confiants en leur acquis, l’enseignant-e introduit des problèmes de nature différente ou plus complexe. En commençant par des questions et des indices généraux, l’enseignant-e voit si l’élève identifie où se situe la source de son erreur. Ainsi, l’enseignant-e pose des questions de plus en plus spécifiques, afin que l’élève puisse découvrir par lui-même son erreur et trouver une solution pour se corriger.
La structuration de séquences par le biais de routines récurrentes permet aux élèves de mieux se retrouver dans le contenu du cours et de repérer assez rapidement des moments de la séquence plus importants que d’autres, afin de focaliser leur attention sur les différentes phases de celle-ci. L’intériorisation de cette structure progressive de la leçon par les élèves fait que l’enseignant a moins besoin de « piloter » la séquence et peut mener son cours de manière plus fluide.
« I » comme Indirecte
Nous nous doutons bien que la critique ouverte ne semble pas la meilleure approche mais comment éviter de dire explicitement à l’élève ou apprenant qu’il a fait une erreur ? Pour cela, il s’avère que certain-e-s enseignant-e-s posent une question qui indirectement laisse supposer l’existence d’une erreur, en incitant ainsi l’élève à revenir sur ses propres pas et l’identifier par lui-même. Malgré les idées reçues au sujet de valorisation, les recherches sur l’enseignement efficace préconisent l’aspect indirect également dans la transmission d’un feedback positif. En effet, plutôt que focaliser sur la personne qui a réussi, il semble plus propice à l’apprentissage de diriger l’attention de l’élève sur la manière dont il a réussi la tâche, le “processus gagnant”.
« R » comme Réflexif
Tout-e enseignant-e aspire à inciter ses élèves à réfléchir mais parfois n’y parvient pas et se creuse les méninges comment les amener à établir les liens et articuler les concepts et de notions. Les techniques qui ont été repérées lors de l’observation des enseignant-e-s mettent en avant le fait de demander aux élèves d’expliciter leur raisonnement, de justifier leur réponse, de raisonner à voix haute ou d’expliquer leur démarche. Bref, il s’agit de faire dire le maximum aux élèves avant de résumer ou reformuler. Cela permet non seulement de voir où se situent les sphères d’incompréhension pour pouvoir les travailler mais également faire prendre conscience aux élèves de ce qu’ils sont en train de faire au niveau conceptuel et apporter un complément si besoin, au lieu d’exposer toute la matière personnellement ou demander aux élèves comment le problème qui vient d’être résolu peut-il être relié avec d’autres types de problèmes ou même de situations de la vie réelle.
« E » comme Encourageant
De nombreux-euses enseignant-e-s tentent de renforcer chez leurs élèves le sentiment de compétence et de maîtrise. Peut-on en dire plus à ce sujet ? Que disent les recherches sur les manières d’encourager les élèves ? Y a-t-il des méthodes qui ont fait leurs preuves ?
Une des manières efficaces de motiver l’élève est le fait d’accentuer la difficulté du problème en augmentant ainsi implicitement la valeur du succès tout en veillant à donner à l’élève une excuse au cas où il ne réussit pas l’exercice. Par exemple, en disant à l’élève que s’il/elle ne réussit pas c’est normal parce que la tâche est difficile pour son âge. De cette manière, l’enfant est libéré d’un éventuel échec et s’il/elle arrive à accomplir la tâche cela le rend fière d’avoir relevé ce défi.
Une autre manière d’éveiller la curiosité des élèves peut être par exemple demander aux élèves de prédire le résultat de l’expérience ou de remarquer combien le problème donné peut se révéler similaire ou différent au problème précédent. En observant leurs prédictions se confirmer ou infirmer, les élèves gardent leur attention en veille ce qui facilite la rétention de connaissances. Nous pouvons aussi amener les élèves à observer les contradictions ou les inconsistances entre les différents éléments, et les pousser ainsi à chercher des solutions et des explications.
Un des éléments cruciaux dans le maintien de curiosité et de motivation est le sentiment de contrôle, le sentiment d’être acteur de son propre apprentissage. Comment procurer aux élèves ce sentiment de contrôle alors que c’est nous qui sommes responsables de la réalisation du programme et gardiens du temps ?
Un des moyens très efficaces est de donner aux élèves des choix ou de prendre en considération leurs demandes, leurs suggestions, propositions. Par exemple, l’argumentation ou la rédaction peuvent être travaillées à partir de supports très différents, donc pourquoi ne pas demander les élèves qu’est-ce qu’ils/elles lisent ou regardent en ce moments pour personnaliser les outils, le matériel, afin d’être le plus proche possible de leurs centres d’intérêt ? Le fait de personnaliser le problème, le mettre en lien avec les intérêts et les loisirs des élèves le rend plus pertinent pour eux et éveille leur motivation à accomplir la tâche. Ainsi, nous pouvons rendre les problèmes abstraits plus abordables, plus accessibles et plus intéressants, en les plaçant dans des contextes qui font sens pour l’élève et qui accrochent leur attention plus naturellement.
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